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On ne nait pas femme

13 novembre 2023

Arrêtez de faire des amalgames (sauf un)

En tant que sale woke empêcheuse de penser en rond, "anti joie de vivre" et "anti liberté", je considère qu'on doit à tout prix éviter les amalgames. Éviter les préjugés, les raccourcis, les simplifications outrancières. C'est super difficile, je suis la première à tomber dans ces écueils par fainéantise intellectuelle, par fatigue ou parce que la personne en face n'a pas le temps de regarder un PowerPoint en 24 slides. Des fois je le fais pour l'humour, ou par défi, pour faire réagir la personne en face. Pourtant c'est vraiment ça, la base du combat des vilains wokistes que nous sommes : voir le monde avec toutes ses nuances, et les accepter, les embrasser.

Du coup c'est important pour moi, personnellement, de croire aux secondes chances. De croire que les gens peuvent évoluer, changer, avancer et devenir un peu plus ouverts aux autres. Bref, je vous jure qu'il y a des réacs qui peuvent devenir woke. Enfin je ne crois pas non plus aux miracles, mais les gens ne sont pas tous obligés de devenir des gros cons (voilà, ici j'hésite entre l'humour et le défi, sachant que de toute façon les réacs me prennent déjà pour un monstre qui va détruire le monde, et qu'ils se croient bien supérieurs à moi, donc ça ne va pas les blesser outre mesure).

Par contre, il y a des limites à ne pas dépasser. Il y a des amalgames qui sont malheureusement NÉCESSAIRES. Il y a des choses graves qu'il faut toujours garder en vue, c'est notre devoir de citoyen, pour éviter le pire. Et non, je ne parle pas de l'amalgame entre les noirs ou les arabes et les délinquants, hein, je vous vois venir les gros cons.

Bref en parlant d'amalgame, de seconde chance, et de blagues...

Fond blanc uni et travail Bordure Rose Citation

Le FN qui se rend a une manifestation contre l'antisémitisme. On dirait une blague de Coluche (à laquelle il aurait trouvé une fin mordante).

Oui, du coup je dis toujours FN parce que malgré un renommage en RN, c'est toujours le même parti, toujours (littéralement, d'ailleurs) le même ADN, et surtout, toujours le même danger. Et donc malgré ce changement de nom et cette soudaine opposition franche à l'antisémitisme, je n'oublie pas que ce parti a été créé par un organisme néofasciste. L'objectif initial d'Ordre Nouveau (les fachos qui ont créé le FN) était de remplacer les méthodes musclées des fachos terroristes de l'époque par de la politique, en pensant que ce serait plus efficace pour rallier d'autres apprentis fachos et prendre le pouvoir. Et force est de constater 50 ans plus tard que c'était une idée vachement efficace.

Donc je n'oublie pas. Je n'oublie pas que le néofascisme a créé ce parti pour nous faire oublier la violence dont ils sont capables, et la violence qui les anime. La haine de l'autre, la "préférence nationale", la hiérarchisation des êtres humains les uns par rapport aux autres. Je n'oublie pas que ça fait 50 ans qu'ils réunissent des gens qui n'aiment pas les noirs, les arabes, les juifs, et qu'ils essaient de nous faire croire que cette haine n'est pas dans leur programme. Et que de plus en plus de gens oublient et y croient.

Alors soit, je veux bien croire que Marine Le Pen et nombre de ses partisans n'ont rien contre les juifs. Voire même que la présence de la présidentiable à ce rassemblement puisse faire évoluer quelques préjugés de vieux réacs. Et si ça se trouve c'est vraiment sincère, et non uniquement parce que les juifs sont considérés comme "plus blancs" ou "plus français" que les autres personnes racisées. Mais il se passera quoi, s'ils arrivent au pouvoir et qu'ils appliquent toutes les lois nationalistes qu'ils ont en tête ? Les juifs seront-ils acceptés et soutenus ? Est-ce qu'on demandera aux juifs de choisir entre la nationalité française et la nationalité Israëlienne le jour où la double nationalité ne sera plus possible ? Est-ce qu'on acceptera les migrants juifs si un jour ils ne peuvent plus vivre en Israël ? Est-ce qu'on contrôlera les religions et on décidera que les juifs orthodoxes devraient avoir moins de droits que les autres ?
En tout cas, je peux vous assurer que j'y crois pas du tout, à la lutte contre l'antisémitisme au sein du RN, parce que le programme qu'ils présentent est quoiqu'il en soit intrinsèquement lié à la persécution des minorités racisées, dont les juifs font partie. Il y a fort à parier que leur programme, s'il est mis en application un jour (hum, je veux dire, s'il est mis en application par des élus RN, parce qu'en ce moment, une grosse partie de leur programme c'est l'actuelle majorité présidentielle qui la met en place 😬) fera beaucoup de tort aux juifs de France et en France.

Bref, je comprends ceux qui veulent croire à un genre d'union nationale contre l'antisémitisme mais je vous en prie, ne soyez pas si naïfs. Gardons des distances respectables avec les néo-nazis, car il y a trop à perdre à risquer de leur faire confiance. Leurs programmes sont préjudiciables à toutes les minorités racisées, mais aussi aux femmes et aux LGBTQ+ (là je vois bien un ou deux débiles qui vont me dire que non, mais qu'il s'agisse de limiter l'immigration, le droit à l'avortement, l'accès au mariage pour tous, les amis, nous sommes tous dans le même panier).

Je n'ose pas imaginer à quel point c'est compliqué d'être juif en ce moment, parce qu'à la peur et la tristesse liées à la situation en Israël s'ajoute la crainte des réactions des gens autour de soi. Parce qu'on se prend vite à penser que peut-être que les discours pro-palestiniens de ses proches cachent de l'antisémitisme, parce qu'il y a toujours des gens qui semblent imaginer que c'est une guerre de religion... Parce que la Seconde Guerre mondiale, à l'échelle de l'humanité, c'était hier, et que pour le coup, ce n'est pas quelque chose qu'on peut oublier facilement, surtout quand on a de la famille qui a disparu dans des camps. Ce qu'ils vivent en ce moment est injuste et dégueulasse, et j'espère au minimum que désormais que le FN a fait son coming out "antifa" (pardon, c'était plus fort que moi), les néo nazis du RN vont y réfléchir à deux fois avant de commettre des actes antisémites (laissez-moi espérer que ça a AU MOINS eu un impact sur quelques personnes SVP je crois encore en l'humanité). Qu'on leur laisse un peu de répit, merde.

Je n'ose pas imaginer non plus à quel point il doit être difficile d'être musulman en ce moment également, parce qu'à la peur et la tristesse de ce qu'il se passe à Gaza s'ajoute la crainte de la recrudescence du racisme. Encore une fois, être résumé à sa couleur de peau, sa tenue/sa pilosité, être assimilé à des terroristes, à la peur, au conflit. Parce que là où les racistes voient un complot mondial dirigé par les juifs, ils voient aussi l'islam comme une organisation terroriste à échelle planétaire. A l'injonction de choisir son camp, tant de gens ont déjà choisi l'islamophobie, et chaque action terroriste ici en France ou ailleurs dans le monde, c'est comme une piqûre de rappel. Et ça s'ajoute encore une fois à la tristesse et la colère de voir des civils se faire tuer sans vergogne, à l'impuissance face à cela. Surtout que dans le monde, ce n'est pas la seule minorité musulmane qui se fait tuer sans que les puissances occidentales ne lèvent le petit doigt... Et j'imagine que ça pèse autant dans la balance que les relents colonisateurs du siècle passé imposés par Israël sur les territoires Palestiniens.

La violence de la réaction du gouvernement israelien aux actes terroristes du Hamas a tellement choqué l'opinion publique qu'elle n'a pas seulement ravivé l'antisémitisme primaire, elle a également entamé un clivage au sein du grand groupe des personnes qui avaient une opinion nuancée de la situation (ou qui n'en avaient pas). L'injonction à la prise de position sur les réseaux sociaux, les raccourcis et les réactions de la classe politique se sont ajoutés, brouillant les pistes, et laissant l'expression de la colère déborder sur le terrain de l'antisémitisme. Les raccourcis et les amalgames deviennent alors si faciles... Comme si on ne pouvait pas regarder le problème dans son ensemble, et réaliser que résumer les Israéliens ou les Palestiniens à leur religion, c'est déjà un problème en soi, et que la situation globale au Moyen Orient est bien merdique, en grande partie à cause des occidentaux, de la colonisation, du nazisme, etc. Tout le monde ici a hérité, qu'il le veuille ou non, d'une situation intenable, qui semble impossible à résoudre, et comme toujours, c'est sur le désespoir que le populisme fait son lit, en l'entretenant comme un dragon cultive son monticule de trésors. Sans ce populisme aujourd'hui, on lirait peut-être la situation avec plus d'humanisme et de nuances, et ça ne ferait de mal à personne, sauf aux gens qui eux, font du mal aux personnes.

Si je devais résumer ma pensée, parce que là je commence à fatiguer donc on va refaire des raccourcis, je dirai :

1 - SVP ne faites pas d'amalgame entre les juifs et les actions du gouvernement israélien
2 - SVP ne faites pas d'amalgame entre les musulmans et les actions des terroristes
3 - par contre, n'ayez aucun doute, le RN (ex-FN), malgré un ravalement de façade, c'est un repaire de nazi, avec un programme de facho, et même s'ils essaient de faire croire le contraire, on n'a aucun doute que leur racisme se teinte aussi d'antisémitisme

Bon courage à tous pour naviguer dans ces eaux troubles, en particulier à mes amis juifs et musulmans, mais aussi arabes et de culture/d'origine juive, aux pro-palestiniens qui ne sont pas antisémites pour autant, aux militants pour les droits de l'homme, aux "wokes", bref, à tous ceux qui passent un sale moment depuis début octobre. Je prétends pas être une experte du sujet ni avoir l'opinion la mieux éclairée (enfin si, je me permets quand même : a priori elle est plus éclairée que celle des fachos), mais ce qui m'importe le plus, c'est que des êtres humains arrêtent de souffrir et de mourir, en fait. Et il se trouve que si on est impuissants sur ce qu'il se passe ailleurs dans le monde, on a le pouvoir d'empêcher que les opinions d'extrême droite se normalisent chez nous, et qu'elles ne conduisent à des dérives terriblement dangereuses.

 

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28 mars 2023

Génération "pas de retraite" en grève

IMG_20230328_142443Aujourd'hui j'ai décidé de me mettre en grève mais comme je suis une personne handicapée, aller manifester ne m'est pas accessible. Alors tant pis, j'ai fait ma petite pancarte, je ferai ma petite manif dans mon salon. Merci à tous ceux qui sortent dans la rue pour nous !

Mais du coup ça me laisse un peu de temps pour verbaliser ce que ma génération ressent. Bien entendu, les manifestations actuellement sont intergénérationnelles et c'est vraiment super de voir que toutes les franges de la société (ou presque) se sentent touchées par ce projet de loi. Mais je sais que pour ma génération, c'est particulier.

Depuis aussi loin que je me souvienne, quand on discute de la retraite avec des gens de mon âge, quand on fait des projets, quand on imagine à quoi ressemblera notre vie à ce moment... Quelqu'un finit toujours par sortir "non mais de toute façon, je sais qu'on n'aura pas de retraite". Ce "on n'aura pas de retraite" c'est un effrayant défaitisme, fatalisme, que tous les jeunes d'aujourd'hui ont en tête. Bien souvent, on l'entend aussi dans la bouche de nos parents qui ont peur que nous n'ayons pas de retraite quand nous serons plus vieux.

J'ai entendu à la radio des vieux cons d'économistes nous reprocher d'utiliser ça comme excuse pour sortir manifester dans la rue. "Mais vous ne comprenez pas, disent-ils. Il n'y a qu'avec ce genre de réforme que vous pourrez un jour avoir une retraite parce que le système tiendra encore la route". Alors je veux bien que de son point de vue, tout ça soit juste des chiffres. Les gens sont des chiffres. Le nombre d'années travaillées c'est des chiffres. Mais ça veut dire aussi qu'ils ne prennent pas en compte les êtres humains qui sont derrière ces chiffres... Et ça veut dire aussi qu'ils ne sont pas capables de se projeter aussi loin que ça, en fin de compte.

Parce que nous, on sait. On sait que le prochain président ou le président d'après trouvera encore quelque chose à redire au système de retraite et le modifiera encore. Et on sait que ça va encore se produire encore 5, ou 10 fois, peut-être. Et à ce moment-là quand il sera l'heure d'arriver à la retraite... Nous serons déjà morts.

Parce que c'est ça que veut dire ce "on aura pas de retraite". On ne veut pas dire que le système n'existera plus ou qu'il ne sera plus viable. On veut dire que d'ici à ce qu'on soit à l'âge de prendre notre retraite, nous ne serons probablement plus en vie. Ou alors nous aurons une santé absolument déplorable et la retraite ce sera juste un moyen de nous mettre à la casse.

C'est ça qu'on aimerait éviter en vrai, on aimerait éviter que la retraite soit le moment où on met les gens à la casse parce qu'ils sont trop abîmés pour servir encore à quelque chose. Tout le monde n'arrête pas de nous raconter qu'on vit plus longtemps (bon déjà c'est pas tout à fait vrai... et à mon avis avec les catastrophes écologiques qui vont arriver ce sera de moins en moins vrai), mais on ne vit pas plus longtemps en meilleure santé. Surtout avec la gestion catastrophique des services publics médicaux, n'est-ce pas ? Les gens qui se pètent le dos au travail auront toujours le dos pété à 60 ou à 70 ans.

Finalement, l'évolution du système de retraite, on voit bien qu'elle est pensée par des gens qui, eux, ne voient pas où est le problème dans le fait de travailler plus longtemps, parce que leur classe sociale est avantagée. D'ailleurs si vous faites partie des gens qui ne sont pas plus inquiets que cela ou qui soutiennent cette réforme, c'est probablement que vous êtes déjà quelqu'un de très privilégié. Et probablement que vous allez détester lire cela et que vous allez vous dire "mais, c'est une connasse celle-là !". Pensez ce que vous voulez, mais vous avez la chance de ne pas avoir cette petite phrase qui tourne dans la tête "on n'aura jamais de retraite".

Dans mon cas particulier, c'est effrayant de me dire que je vais travailler 2, 4, 6 ans de plus. J'ai pourtant commencé à travailler tôt malgré mes études, mais en fin d'année dernière, j'ai reçu un papier qui faisait le bilan de tous les trimestres que j'avais cotisés pour la retraite... Et là j'ai découvert qu'il faudrait que je travaille encore deux fois ce que j'ai déjà travaillé. J'ai 35 ans, je suis handicapée, il est peu probable que ma santé s'améliore un jour et plutôt probable qu'elle continue à décliner. Juste assez pour que ma vie soit plus fatigante et plus difficile que la moyenne mais pour que je puisse toujours continuer à travailler. Honnêtement, savoir qu'il me reste encore tant d'années à travailler dans cet état, c'est terrifiant. Je sais aussi que la retraite des personnes handicapées est généralement misérable, surtout si elle est prise en anticipée. Du coup je me sens complètement coincée par ce système. Dévalorisée et renvoyée à une simple condition de force de travail inefficace.

Je suis bien d'accord qu'il faudrait le remettre en état, ce système des retraites... Mais pas pour des questions d'argent. Pour des questions d'êtres humains. Pour remettre l'organisation du travail à la seconde place et le bien-être de l'être humain à la première. Mais comme aujourd'hui nous ne sommes que des chiffres et qu'il n'est que question d'économie... Alors il est l'heure de manifester pour leur rappeler que nous sommes avant tout des êtres humains. Et qu'on aimerait bien ne pas crever à la tâche.

Sauver le système de retraites aux dépens des êtres humains, c'est une solution qui n'est valable que pour les marchés financiers.

8 mars 2023

C'est le 8 mars, encore, et oui, ça sert toujours à qqchose en France

Je sais qu’aujourd'hui c'est le 8 mars alors il y a des chances pour que j'entende énormément de choses à propos des droits des femmes. Des choses plutôt intelligentes et positives comme des choses un peu bas du plafond du type "je veux bien comprendre que les droits des femmes, c'est pas top dans les autres pays mais bon en France ça va quand même !". 

 

Oui je dis “bas du plafond” parce que ça me semble impensable que ce genre de propos ne soit plus prononcé à voix haute de nos jours. Je ne dis pas que il faut pas les prononcer à voix haute de peur de se faire cancel ou je sais pas quoi, mais juste que c'est vraiment vivre dans un monde de bisounours que d'imaginer que cette phrase justifie qu’on n’aie pas besoin d'une journée de la femme en France. 

 

Colorful 8 March Happy International Woman's Day Illustration - Instagram Post

 

Alors bon, vous savez moi, je suis pas partisane d'appeler ça “la journée de la femme” parce que ça fait pétainiste, donc j'appelle ça “la journée du droit de la femme”. Pourtant encore une fois, c'est pas juste une question de droits sur le papier. Je veux dire que légalement il y a énormément de choses qui ont été faites pour essayer d'avoir de l'égalité entre les différents genres. Je ne remets pas en question le fait que ces droits existent et qu'ils sont a priori les mêmes pour les hommes et les femmes. A priori. Mais au quotidien sans s'arrêter uniquement à la partie légale il y a énormément d'injustice et d'anormalités, qui au final sont au profit des hommes.

 

Tous les ans, quand j'entends des mecs dire "ah pourquoi il n'existe pas une journée de l'homme ?" ou des choses comme ça, débiles, qui remettent en cause l'existence même d'une journée comme aujourd'hui, en vrai je suis fatiguée de leur répondre parce qu’il faudrait juste qu'ils se renseignent. Mais depuis cette année, il y a quelque chose qui a changé. Je ne suis pas pour construire des raisonnements logiques uniquement sur des observations empiriques, mais parfois elles sont vraiment symptomatiques, et reconnaissables un peu partout dans la société.

 

Bon voilà les deux années qui viennent de s'écouler ont été l'occasion pour moi de me retrouver confrontée de manière assez frontale aux violences faites aux femmes, aux injustices qu’elles subissent en silence. Malheureusement dans les connaissances, les ami-e-s et la famille que j'ai, il y a des personnes qui se sont déjà faites frapper, il y a des femmes qui se sont faite violer, il y a eu des comportements intolérables de toutes parts sur les femmes et les personnes non binaires autour de moi. Bien sûr, je ne peux juste absolument pas nier que c'est une réalité et j'étais déjà au courant que c'était ça la réalité.

 

Mais d’un côté il y a cette réalité qui semble beaucoup mieux s'exprimer et qui s'autorise le droit d'exister (finalement), et d’un autre il reste toujours dans notre pays des femmes qui sont silencieusement en danger, qui sont dans des situations extrêmement graves et pour lesquels ni vous ni moi n'allons lever le moindre petit doigt.

 

Des femmes comme ma tante qui est décédée l'année dernière d'un cancer et qui pendant les deux dernières années de sa vie a rattrapé tout ce qu'elle n'avait pas pu nous dire, ou pas oser nous dire au fil des années... J'ai découvert une femme qui avait dû fuir une situation familiale compliquée en se mariant avec quelqu'un en pensant que ça allait lui apporter l'indépendance. Dites-vous qu’autour de vous, il y a toujours des femmes qui sont nées à une époque où quand on se mariait, c'était pas forcément par amour, c'était parfois uniquement pour se sortir d'une situation familiale menaçante. J'ai découvert aussi une femme qui a subit des viols conjugaux pendant toute son existence. Que mon oncle la menaçait verbalement, parfois physiquement, était extrêmement agressif avec elle et la violait. On vit dans un monde où il y a toujours des femmes qui sont mariées à des hommes qui les violent régulièrement et qui n'osent pas en parler. 

 

Bref, on a découvert toutes ces joyeuses choses à propos de mon oncle qui vivait avec elle au quotidien à cette époque-là, qui était la seule personne légale autorisée à prendre des décisions et aller la voir à l'hôpital. 

 

Je mets ça par écrit pour toutes les femmes qui ont des doutes par rapport au comportement de leur compagnon actuel. 

 

Dites-vous bien qu’au delà de célébrer votre amour, une fois que vous êtes marié-e et en particulier si vous n'avez pas d'enfant, vous choisissez la personne qui pourra prendre toutes les décisions vous concernant quand vous serez vieille et malade. 

 

Je crois que ça c'est super important à prendre en compte. Parce qu'on s'est retrouvé dans une situation où malgré le fait qu’elle avait prévenu sa famille, elle avait prévenu ses amis, elle avait prévenu son médecin, les infirmières... On l'a laissée quand même rentrer chez elle soi-disant "se reposer" au côté d'un homme qu'on savait violent, et on savait en plus qu’il perdait un peu la tête. Et vous savez quoi ? Nous n'avons rien pu faire.

 

On vit dans un monde dans lequel une femme peut être mariée à un homme qui la violente, qui la viole et les médecins considérent que ce n'est pas leur place de retirer la femme de cet environnement toxique. Ils continuent à laisser le mari prendre des décisions à propos de tout ce qui concerne sa victime. Pas sa femme. Plus sa femme. Sa VICTIME. Le médecin n'envoie pas la personne prendre du repos loin de son agresseur, et souvent on a dû compter sur la complicité des infirmières pour pouvoir éloigner son mari d'elle pendant les moments où elle avait le plus besoin de repos. 

 

Ça me fait très mal d'écrire ça je sais que si ma mère, qui a été très présente pour elle, lit ça, ça va lui faire très mal de le lire. Mais c'est hyper important que ce genre de choses ne reste pas caché et tabou. Il faut savoir que pendant toute cette période, elle nous avait demandé d'énerver le moins possible son mari, et du coup nous avons dû faire bonne figure. J'ai laissé cet homme, ce connard, me parler, me sourire, me prendre dans ses bras et me faire la bise en affichant une parfaite hypocrisie. Certes c'était à la demande de ma tante... Mais j'ai trouvé ça trop facile. J'ai trouvé ça trop facile que le jour de son enterrement tout le monde se comporte avec lui comme s' il n'avait rien fait de mal, alors que tout le monde savait. J'ai trouvé ça trop facile que ce type puisse se balader libre, en vie, capable de profiter du restant de sa vie alors qu’il avait détruit la vie de ma tante.

 

Donc on vit dans un monde dans lequel il y a encore des femmes qui sont mariées à d’énormes connards qui devraient être en taule. Qu’ils soient nés dans les années 30 ou dans les années 80, tant que ces violeurs ne seront pas tous morts ou en taule, la journée du 8 mars aura toujours un sens en France. C’est ça que je veux vous dire. Des femmes meurent des mains de ce genre de salauds. Et tout ce que j’entends en face c’est “not all men / pas tous les hommes”. Mais on s’en fout en fait, que votre voisin ou votre frère ne soient pas des violeurs. Hourrah. Super, ça fait une belle jambe à toutes les meufs qui sont des martyrs sur l’autel du “mais non, le problème n’est pas systémique, c’est juste des brebis galeuses”. 

 

C’est systémique. C’est tellement systémique que j’ai assisté, impuissante, aux combats de ma mère pour libérer sa sœur de l’emprise de mon connard d’oncle.  Elle avait des amis, de la famille, des gens qui se doutaient qu’il y avait des choses pas normales, mais qui ont préféré garder ça sous silence, histoire de ne pas se fâcher avec l'homme en question, parce qu'il est si gentil avec eux. On vit dans un monde dans lequel les figures d'autorité telles que les médecins avouent qu'elles-mêmes ne savent pas quoi faire dans ce genre de situation. On constate, on s’affole, on croit, on soutient… Mais on ne peut rien faire. Ma tante avait trop peur de lui pour parler aux flics, trop peur de tomber sur des potes de son mari, alors tout un système regardait cette femme vivre un calvaire sans rien pouvoir faire. C’est absolument intolérable. 

 

Et vous savez ce qui me brise le coeur ? C’est que quand on lui proposait d’aller ailleurs plutôt que rentrer chez elle, elle nous disait “Oui mais c’est chez moi que je veux aller. C’est AUSSI chez moi.”. Le salaud, celui qui violente, meurtrit et viole, prend en otage toutes les parcelles de la vie de sa conjointe. 

 

Alors voilà je crois que si cette journée a un sens, même si on apparence on a l'impression que les choses s'améliorent pour les femmes. Même si à écouter énormément de personnalités publiques on pourrait croire que les femmes sont en train de mener une énorme révolution que ces horribles féministes vont détruire les hommes... J'ai continué à accepter de dire bonjour à mon oncle alors que je savais que c'était un connard de violeur. Moi. Féministe. Rageuse. Feminazie. Tout le village dans lequel ma tante vivait à continuer à lui adresser la parole parce qu'il était gentil même si c'était un connard. On en est LA des droits des femmes aujourd'hui. Lire les statistiques, c’est différent de les vivre en vrai. On a encore du chemin à faire avant de déposséder les hommes de leurs droits sur nous. 

 

 

* c'est mal écrit, ça manque de logique et de relecture, mais j'avais besoin de vomir ça. Le 8 mars sert à bien plus, mais c'est à ces pensées que j'ai consacré ce 8 mars 2023.

16 avril 2022

Mais du coup, on fait quoi au second tour ?

Votez

Je vous avoue que j'ai peine à garder mon calme quand quelqu'un vient, naïvement, me demander si face à un second tour d'aussi mauvais augure, il faut voter utile ou ne pas voter du tout... J'avoue également que les argumentaires du " tout sauf Macron à tout prix" me semblent particulièrement puérils, et me remplissent d'une tristesse mêlée de rage. Mais bon je vais être encore plus honnête avec vous : je crois qu'il n'y a pas grand monde parmi les gens que je connais qui ne mérite réellement la responsabilité de voter pour notre futur chef d'Etat. Même moi, je considère que je ne devrais pas voter vu que depuis 3 ans, je me suis complètement détachée de la politique française au point de n'avoir pas entendu une seule fois la voix de notre président durant ces 3 années. En vrai je l'ai entendue pour la première fois hier, par erreur, et j'ai été prise d'une envie incontrolable d'aller cramer l'Elysée. Bon bref, vous voyez l'idée, quoi. Nous sommes pour la plupart immatures, incapables de se renseigner, incapables de faire des choix. Alors, voter ?!?!

Pourtant après la Révolution française, la décision a été prise (par des gros bourges qui pensaient parler pour le peuple, hein, j'ai jamais dit que c'était la meilleure idée de tous les temps) que le Peuple, dans son intégralité, se retrouvait avec le pouvoir de gouverner. Bien entendu, on s'est immédiatement rendu compte que TOUT le Peuple ne pouvait pas gouverner en même temps, imaginez le bazar que ce serait quand on voit déjà qu'on n'arrive pas à s'entendre dans une copropriété pour remplacer les boites aux lettres vétustes. Donc, ce pouvoir on le confie à des gens qui nous représentent. D'où le vote. Normalement, on devrait tous avoir eu une éducation civique qui nous permette d'analyser les choses et de voter avec clairevoyance. Kof, école publique, Kof kof. Mais bon, si on est dans ce que je considère comme "une impasse démocratique", c'est clairement que ça n'a pas super bien fonctionné. On se retrouve donc comme au collège, lors de l'élection des réprésentants au Conseil de Classe, avec des gamins qui votent pour les plus populaires et non les plus compétents. Sauf qu'on n'a plus 14 ans, hein. 

D'un côté, on a donc ceux qui n'ont pas à se plaindre de la gouvernance du pays sous Macron, qui sont donc satisfaits avec le statu quo, qui n'ont pas vu leurs conditions de vie se dégrader et donc, qui ne voient pas pourquoi on changerait de président. Ceux-là, ils votent ou non, mais finalement, ils regardent leur petit nombril et ne réalisent pas que les 5 ans de macronie qu'on vient de vivre ont fait du mal aux plus pauvres, aux précaires, aux étudiants, aux jeunes.

On sait bien que si on signe pour 5 années de plus en macronie, bah les pauvres, les jeunes, les précaires vont encore en prendre plein la tronche. On sait que l'école publique et l'hopital publique vont continuer à être démantelés, sacrifiés sur l'autel de la start-up nation, parce qu'on n'aura pas vraiment un président mais un dirigeant d'entreprise à la tête du pays. On sait que l'écologie va également être mise de côté. On le sait parce que c'est une présidence au service des riches et des entreprises, et que les riches et les entreprises ont besoin d'une "réserve" d'employés précaires qui accepteront des boulots ingrats et sous payés pour pouvoir continuer à vivre, et que l'écologie n'est pas vraiment compatible avec l'essor de l'industrie. Bref. Je vous refais pas le dessin, j'ai pas plus que vous envie de 5 ans de plus dans un pays qui tolère cet état d'esprit.

Mais on n'est quand même dans une "impasse démocratique". Parce que si on a un minimum de consience politique, de respect pour l'être humain et de compassion, pas question de voter pour son adversaire. Le populisme et le racisme ordinaire ont réussi à gagner tellement de gens mal informés, effrayés et épuisés que l'option de l'extrême droite est devenue envisageable - à nouveau. Elle est tellement devenue envisageable que Le Pen pourrait tout à fait passer au pouvoir. Elle pourrait y passer parce qu'elle s'affiche comme une alternative viable, et même comme la seule alternative. Bon, vous vous doutez quand même que personnellement, je ne vous encourage pas à voter pour elle. Son fond de commerce reste le racisme ambiant, la haine de l'autre. Elle va bafouer la devise de notre pays (que perso, je trouve plutôt cool, Liberté/Egalité/Fraternité sont trois valeurs qui me plaisent bien) en essayant de mettre en place une citoyenneté à deux vitesses, en excluant de notre pays ceux qui pourtant pourraient nous aider à le remettre à flot. J'invente rien, hein, un rapport du Conseil d'Analyse Economique produit en décembre dernier concluait que la France ne s'appuyait pas encore assez sur l'immigration pour augmenter sa compétitivité/croissance. N'oublions pas tout de même qu'elle nous assène des promesses sécuritaristes dans un pays dont le taux de criminalité est en baisse continue depuis une vintaine d'année... Je vais pas vous faire l'affront de lister tous les problèmes de cette candidature (être pote avec la Russie alors qu'elle vient de déclarer la guerre à l'Ukraine ou encore chercher à se détacher de nos voisins européens), mais bon, voter pour elle c'est clairement pas refuser la macronie ; c'est la remplacer par un pays encore pire, dans lequel mes amis, mes collègues, mon kiné, mes voisins, mon dentiste, (etc.) risquent d'être considérés comme des citoyens de seconde zone et n'oseront plus sortir de chez eux - voire seront foutu dehors, carrément. Et bon, avec cet état d'esprit, les jeunes et les personnes précaires vont forcément être également en ligne de mire.

Alors on fait quoi ? On se dit qu'au moins, Macron est pro-européen donc que si on parvient à mettre en place, au niveau européen, des mesures fortes pour préserver l'environnement (coucou le dernier rapport du GIEC qui nous rappelle qu'on à 3 ans pour agir), il y a des chances pour qu'on arrive à faire avancer les choses (ou parce que bon, faire de l'écologie au niveau national, c'est pas suffisant). On se dit aussi qu'il ne risque pas de devenir super pote avec les criminels de guerre qui gouvernent la Russie (bon ouais, on a quand même bien compris que d'autres criminels de guerre étaient considérés comme fréquentables -_-). On se dit que les électeurs d'extrême droite se sentiront moins légitimes et valorisés si leur candidate perd au second tour, et donc qu'on pourra à nouveau, sans relâche, combattre les ideés nationalistes et racistes sur notre territoire. On se dit surtout qu'avec Macron à la tête du pays, il nous reste un levier : les législatives.

Parce qu'on n'a jamais dit que la démocratie, c'était que la personne qui allait gouverner était forcément trop cool et avait exactement les mêmes idées que nous. Il faudrait buter les 3/4 de la population pour que ça arrive, et encore... On parle de réprésentativité, pas de conviction. Alors oui, cette campagne électorale était merdique, ces 5 dernières années on n'a rien appris et on a refait les mêmes erreurs. Alors oui, on a l'impression que la démocratie est en panne. Mais il nous reste des leviers ! Il ne tient qu'à nous de voter en masse aux legislatives pour contre-balancer les idées nauséabondes du futur chef d'état. Maintenant qu'on SAIT ce qu'il se passe avec une majorité, on PEUT faire changer les choses. Alors non, ça ne fait pas plaisir du tout de repartir pour 5 ans avec un président qui méprise le peuple. Mais ce n'est pas une fatalité.

Dans tous les cas, si votre décision au prochain tour, c'est de ne pas voter ou voter blanc, tout ce que vous faites, c'est reporter la responsabilité de faire ce choix difficile sur les autres. Vous voyez ça avec votre conscience, mais personnellement, je trouve ça égoïste et stérile. Le choix n'est certainement pas marrant à faire, mais si on ne le fait pas et qu'on coure le risque d'avoir l'extrême droite au pouvoir, on n'aura plus aucune chance de les évincer de la vie politique. On a beau tous être une belle bande de gamins immatures, il incombe à notre génération de faire un choix, et de ne pas laisser les autres choisir pour nous, sous prétexte que "les gens vont forcément élire Macron". Moi, je refuse de reporter la décision sur les épaules de quelqu'un d'autre. Je refuse de ne pas jouer un rôle dans cette élection. Je refuse de laisser la moindre chance à l'extrême droite de prendre le pouvoir. Je refuse de voir les gens que j'aime souffrir de mon absence de décision.

PAR CONTRE, je serais là aux législatives. Par contre, je ne laisserai plus jamais passer un propos raciste parce que je crois que ces dernières années, on a été trop gentils, trop polis. Entrainons-nous à dire "c'est raciste ce que tu dis", quitte à vexer des gens ; je préfère vexer des gens aujourd'hui que de perdre des amis plus tard. Il est l'heure de voter mais aussi de se révolter.

Les 5 premières années en macronie ont été un calvaire pour beaucoup. Je suis prête à signer pour 5 ans de plus si le calvaire, c'est lui qui le vit. Bordel de merde.

 

(Ce texte n'est absolument pas écrit en tenant compte de l'écriture inclusive, j'en suis désolée, mon état de santé ne me permet pas d'écrire mieux que ça. Je ne me suis pas non plus relue, désolée pour les fautes. Je ne l'ai même pas écrit dans l'ordre alors si ça se trouve les transitions sont dégueus. J'avais juste besoin d'exprimer ce qui est coincé dans ma tête et me provoque des migraines depuis une semaine)

18 novembre 2021

Iel, et alors ?

Coucou ! Je passe une tête vite fait par ici parce que je pense que c'est le moment idéal pour vous avouer un truc : je suis persuadée que les gens qui refusent le pronom "iel" sont juste de gros LGBTQI-phobes. Je ne vois pas d'autres explications aux excuses bidons (qui ne sont jamais des arguments, soyons pragmatiques) que se trouvent des êtres capables de discernement pour refuser d'utiliser ce pronom pourtant si pratique.

Citation amitié cadre minimal

Ce n'est pas uniquement parce que je soutiens l'écriture inclusive, comme une bonne SJW "woke" que je suis, que je vous parle de ça. C'est juste que dans le travail comme dans la vie privée, "iel" est un pronom tellement pratique chaque fois que je n'ai pas d'information précise sur l'identité de genre d'une personne ! Au travail, ça m'a épargné un nombre incalculable de mails qui commencent pas "En fait c'est elle, pas il" (ou l'inverse). J'ai évité de vexer des gens, les gens ne se sont pas sentis mal en recevant mes mails, tout est pour le mieux, merci beaucoup à toi, cher "iel". Ton arrivée dans ma vie a bouleversé mon rapport aux autres pour le meilleur. Je raconte une anecdote dans le cadre de laquelle je ne sais plus si la personne impliquée était un homme, une femme ou autre ? Pas grave, vu qu'en général cette information n'apporte rien, je glisse un petit iel et Hop ! je ne perds plus le fil de mon histoire. C'est magique. Ce mot MANQUAIT atrocement à notre belle langue.

Si vous souhaitez ne pas l'utiliser, c'est bien dommage pour vous. Et moi, la seule excuse que je trouve à ce refus si absolu, c'est que vous êtes probablement terrifiés à l'idée d'un monde dans lequel "iel" remplacerait le "il" et le "elle", et les frontières du genre seraient floues. Bouh ! Quelle horreur ! Imaginez un monde qui ressemblerait aux stars de la pop des années 80 !

Refuser de reconnaitre l'identité de quelqu'un parce que vous avez une peur irrationnelle de quelque chose qui ne vous touche pas (et ne vous touchera sans doute jamais), c'est quand même terriblement mesquin. J'espère que ça ne fera de mal à aucune personne de votre entourage, qu'iel vous ait dévoilé ou non son identité non binaire. Parce que oui, peut-être qu'une personne dans votre entourage aurait envie que vous utilisiez le pronom "iel" pour la dénommer, et peut-être qu'elle n'osera jamais vous en parler, et peut-être que vous finirez par perdre contact et vous vous demanderez pourquoi et vous serez triste. Et elle aussi. Tant de souffrance qui pourrait être évitée avec l'utilisation occasionnelle d'un petit mot si pratique.

Vous trouvez que ça sonne mélodramatique ? Pas plus que les personnes qui balancent à tout va des "C’est une offense à la langue française" (je viens d'avoir la langue française au téléphone, elle dit que ça va, elle ne se sent pas offensée), qui appellent les immortels à la rescousse (mais non, pas TOI McLeod !) contre une idéologie "destructice de valeurs", ou "ça va perturber nos pauvres écoliers qui ont déjà tellement de difficulté à apprendre notre langue" (sinon on peut aussi embaucher plus de profs dans de meilleures conditions, ça va aider les écoliers un peu plus que d'empêcher l'utilisation de l'écriture inclusive).

Au delà de son utilité dans l'écriture inclusive, à l'heure de la dématérialisation des relations humaines, iel est un mot salutaire quand on n'a aucune idée du genre de la personne de l'autre côté de l'écran. Donc refuser de l'utiliser pour "la sauvegarde de la langue française", c'est vivre dans le passé. Pire : c'est trouver une excuse vraiment bidon à sa LGBTQI-phobie. Parce qu'on sait bien que c'est ça, le fond du sujet. Mais finalement, je pense qu'on peut remercier les armées outragées qui ont indiqué publiquement leur rejet du "iel" sous de fausses excuses, parce que ça permet de faire du tri.

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25 juin 2020

Confessions d'une bisexuelle

C'est toujours le mois des fiertés et j'ai toujours des choses à vous raconter. Aujourd'hui, je vais sembler narcissique et parler de moi, mais en fait, je ne le fais pas pour moi. Je suis en paix avec moi-même et ma bisexualité, mais si j'ai des choses à vous raconter, c'est parce que peut-être que vous aussi, vous avez des choses à comprendre sur vous-même. Allons-y, sortez les mouchoirs, je promets pas que ça va être facile. Je déballe tout. Attention, pavé.

Pendant des années, avec mon groupe de potes (coucou les personnes qui se reconnaîtront), on avait une blague qui consistait à dire que moi, j'avais le super-pouvoir de transformer des gens tout à fait normaux en personnes queers. "Queer", c'est un terme anglo-saxon que j'aime beaucoup, un peu comme "Geek" : c'est un mot qui, à l'origine, est plutôt une insulte (ça veut dire "bizarre, étrange") mais qui est utilisée aujourd'hui quand on parle de toutes les personnes dont l'orientation ou le genre ne correspondent pas aux standards de notre monde. J'aime bien « queer », parce que ça indique la réalité des choses : il y a la "norme" qui veut qu'il n'existe que deux genres et qu'ils soient destinés à finir en couple, et les queers, c'est-à-dire tout l'éventail d'autres possibilités.

Donc, j'avais pour réputation de "transformer" les gens, par mon simple contact, en divers représentants de la communauté LGBTQ+. C'est vraiment flagrant, hein : un TRES grand nombre de tous mes amis proches qui pensaient être "dans la norme" se sont, après avoir fait ma connaissance, mis à questionner leur genre ou leur sexualité ou les deux. Résultat, j’ai la fierté d’avoir dans ma vie, en plus des classiques cis-hétéro qu’on ne présente plus, tout un arc-en-ciel de personnes formidables. Mais je sais bien que ce n’est pas par « magie » que soudainement, des dizaines de personnes ont remis en cause « la norme ».

En grandissant, on a tous énormément de comportements et de réflexions qu’on cache aux autres parce qu’on ne voit pas les autres les faire ou les dire, donc on en conclue que ce n’est probablement pas correct. De la même manière que vos parents vont vous dire « ne mets pas tes doigts dans ton nez », les propos des adultes, des personnes autour de nous, nous conditionnent à considérer des choses comme correctes et d’autres comme incorrectes. C’est pas parce que ma mère m’engueulait quand je mettais mes doigts dans mon nez que j’ai arrêté de le faire quand il y avait vraiment besoin, hein : j’ai juste arrêté de le faire en public.

Parfois, ce n’est pas l’injonction à ne pas faire quelque chose tant que le silence, l’absence de ce quelque chose, qui nous intime de garder tout ça pour nous. On se demande alors : « est-ce que tous les gens autour de moi sont en train de penser exactement la même chose que moi et eux aussi s’interdisent de le dire à voix haute, ou bien est-ce que je suis la seule personne à penser ça ? » parce qu’en vrai, tant qu’on n’a pas échangé avec quelqu’un qui pense pareil, on est seuls au monde. Le tabou que notre société nous impose, depuis le plus jeune âge, autour du genre et de la sexualité est très marquant et nous pousse tous dans la même direction : celle de la « norme ».

D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été capable de tomber amoureuse de garçons comme de filles. Les adultes ont souvent tendance à ignorer le fait qu’il n’y a pas d’âge pour tomber amoureux ou ressentir du désir, c’est peut-être parce qu’ils ne se souviennent pas de ce qu’ils ressentaient quand ils étaient petits, ou peut-être parce qu’on ne parle pas de ces choses là. J’ai beaucoup de souvenirs de ma très jeune enfance, et même si je sais bien que l’analyse que j’en fais aujourd’hui les a forcément un peu impactés, ils restent des moments forts, gravés en moi.

Je me souviens du premier garçon qui a fait battre mon cœur un peu plus fort (mais pas de son nom, j’étais vraiment très petite). Je me souviens de mon premier amoureux : il s’appelait Mickaël, il avait une coupe de cheveux que je trouvais trop belle (et qui ressemblait un peu trop à une coupe mulet en vrai, je crois que j’avais un truc avec Macgyver), des lèvres toutes douces, et la première fois qu’on s’est assis l’un en face de l’autre dans la « cabane des amoureux » de la cours de récré de maternelle, et qu’il m’a tenu la main, j’ai senti une chaleur incroyablement agréable parcourir tout mon corps. Je pensais tout le temps à lui quand il n’était pas là.

Jusqu’ici, tout avait l’air « normal ».

Et puis un jour, une copine m’a présentée sa cousine. Je ne me souviens pas bien de son nom (Stéphanie ? Tiphaine ? Tiffany ? Fanny ? quelque chose comme ça) et encore moins de la copine, mais je sais que quand mes yeux se sont posés sur elle, la même chaleur m’a envahi. C’était presque douloureux, j’avais du mal à respirer, comme si je m’étais pris un coup. Il y avait quelque chose dans son adorable sourire, dans ses grands yeux marrons, son rire, qui me faisait complètement fondre. Qui me donnait envie de la prendre par la main et de ne jamais la lâcher. J’aurais cédé tous mes doudous pour quelques minutes de plus avec elle.

Immédiatement après avoir ressenti tout ça, je me suis dit que c’était pas normal. Je ne savais pas trop qui avait dicté ces règles, ni pourquoi, mais j’avais bien compris que les couples étaient composé d’un garçon et d’une fille, et non de deux filles. Je n’avais pas encore 6 ans et je SAVAIS que ce que je ressentais n’était pas considéré comme normal. Je savais qu’il fallait que je garde ça pour moi, que je l’enfouisse, que je me taise, que je n’y pense plus. Et j’ai commencé à développer beaucoup d’animosité envers cette fille, parce que chaque fois que je la voyais, il y avait ce sentiment tellement anormal qui ressurgissait. J’ai commencé à me renfermer sur moi-même et à rejeter tous les autres enfants qui étaient proche d’elle.

Je ne reproche rien à personne, hein : la société n’était pas la même qu’aujourd’hui et effectivement, au tout début des années 90, c’était pas un super moment pour être homo.

Ce sentiment, je l’ai gardé comme dans une fiole, immortalisé à travers le temps et il m’arrivait souvent de repenser à elle. J’ai ressenti beaucoup de choses pour beaucoup de personnes depuis, mais jamais rien d’aussi fort, parce que j’étouffais de honte en y repensant. En arrivant en primaire, les adultes ont commencé à nous parler des pédophiles, et nous dire qu’il fallait faire attention à eux. Ils avaient l’air d’être de très méchants monstres dont on nous parlait, mais sur lesquels on ne voulait pas tout nous dire. Par contre, j’avais bien compris un truc : ils avaient l’air de n’aimer que les gens plus jeunes qu’eux, et apparemment, quel que soit leur sexe. Du coup, faute d’informations correctes et à cause des tabous des adultes et de notre société, savez-vous quelle pensée s’est formée dans ma tête d’enfant ? Je me suis dit que forcément, c’était ça. J’étais pédophile. Obligé : j’aimais une personne plus jeune que moi d’un an, et EN PLUS, c’était une fille. Tout concordait. J’allais devenir moi aussi un monstre. J’ai passé plusieurs mois de ma vie à croire que ma bisexualité était de la pédophilie. Je n’avais pas dix ans, je ne voulais en parler à personne parce que j’avais peur de finir en prison, et j’ai lutté de toutes mes forces contre toutes mes émotions jusqu’à ce que je sois assez grande pour comprendre par moi-même que ça n’avait aucun rapport.

J’ai constaté que nous étions assez nombreux dans la communauté à avoir fait ce genre de raccourci – ou avoir subi du harcèlement de la part de gamins qui avaient eux-même fait ce raccourci. D’ailleurs, mes grands potes de la Manif pour tous (allez, encore un petit tacle, c’est gratuit) sont très nombreux à faire ces amalgames. Ce que je peux comprendre la part de gamins de 8 ans devient quand même très inquiétant pour des adultes.

Je ne savais toujours pas ce que j’étais, ni pourquoi je continuais à ressentir ça pour des filles ou des garçons indifféremment, et je savais qu’il ne fallait pas trop que ça se sache. J’ai fait des bisous, tenu des mains, fait des câlins et tout un tas d’autres choses que je tairais par pudeur, mais jamais en me disant « cette fille est mon amoureuse ». Pourtant je peux vous l’affirmer, j’ai aimé de tout mon cœur chacune de ces personnes. Et je me croyais en sécurité parce que je me disais que les filles qui avaient fait ces choses avec moi avaient autant peur et honte que moi. En dernière année de primaire, ce fut le drame : un horrible bouche-à-oreille est revenu jusqu’à moi, en la personne d’une fille populaire de la classe, qui est venue me demander, devant plein de gens : « mais toi en fait, tu es lesbienne, c’est ça ? C’est machine qui m’a dit. »

La honte. Déjà, je me tapais l’affiche devant plein de gens, mais EN PLUS je ne savais pas que ce ça voulait dire « lesbienne » (même si bon, j’avais deviné). J’ai nié avec véhémence et même si elle m’en a reparlé quelques fois à l’occasion, ça a semblé se tasser. Jusqu’au collège. Bon, au collège, j’étais pas dans les bonnes grâces de tout le monde parce que je refusais de me raser les jambes, je parlais comme un bouquin, je lisais du Lovecraft et crachait sur Harry Potter, et j’étais en gros une première de la classe timide et prétentieuse. Je me faisais donc régulièrement emmerder, en particulier par un mec qui était à peu près autant un intello que moi, mais comme il s’en prenait à moi, il passait pour un dur.

Et je ne sais pas comment, il a eu vent d’une de mes petites aventures. Il a relancé la rumeur. Pas chez les gens qui me connaissaient, mais pire : chez des élèves que je ne connaissais pas. On m’a traité de pas mal de choses, hein, et lesbienne n’était pas l’insulte la plus fréquente, mais je l’ai entendu quand même. Je vous jure que quand une personne que vous ne connaissez pas s’arrête à portée de votre oreille en vous croisant dans un couloir pour vous chuchoter « Lesbienne » dans l’oreille avant de partir avec un sourire satisfait, c’est particulièrement effrayant.

Je ne voulais surtout pas que mes ami-e-s me prennent pour une lesbienne. J’ai donc surréagi, faisant des déclarations d’amour bidons à des mecs que je n’aimais pas, et en évitant autant que possible d’avoir des interactions trop intimes avec des amies qui étaient, de près ou de loin, liées aux gamins du collège. Mais à ce moment, je SAVAIS que je n’étais pas lesbienne, parce que j’étais éperdument tombée amoureuse de garçons aussi, durant cette période de temps. Quel bordel c’était dans ma tête, je vous raconte pas ! Et pour couronner le tout, certaines filles plus populaires que moi avaient compris que la rumeur n’était pas tout à fait fausse, et du coup elles avaient l’air de me considérer comme un genre d’experte en amour, et j’ai été le premier roulage de pelle de la vie de certaines d’entre elles. Derrière le bosquet, cachée sous un manteau. Je vous cacherais pas que j’en tire une petite fierté quand même, malgré le fait que depuis tout ce temps, j’ai toujours gardé l’identité de ces personnes secrète. Quand je les voyais avec leurs mecs après, une petite partie de moi se disait « je l’ai eue avant toi ! » et ça va vous sembler bête, mais ça fait partie de ces petites choses qui m’ont aidée à tenir mes années de collèges !

En arrivant au lycée, dans une nouvelle ville, avec de nouvelles personnes, je savais que tout allait changer : je pouvais faire table rase du passé, mettre fin à ces petites aventures qui ressemblaient moins à de l’amour qu’à des filles qui avaient envie de « tester » ce que ça faisait d’être avec moi. Je pouvais PASSER pour hétéro. Et j’y suis parvenue un temps, avec brio d’ailleurs. J’étais insoupçonnable. Certes, chaque fois qu’on allait voir un film, qu’on parlait d’une actrice ou d’une chanteuse, chaque fois que des garçons autour de moi faisaient des réflexions à leur propos, je tournais sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler pour ne pas risquer de dévoiler mon « secret ». Mais bon. J’avais aussi appris à résister, à ne pas regarder trop longuement les jolies filles, à ne pas trahir mes émotions ni mes pensées. C’est fou parce qu’avec le recul, je me rends compte que maintenant que je ne fais plus attention à « garder un secret », franchement il n’y a pas de quoi fouetter un chat, il faut vraiment me côtoyer en permanence pour se rendre compte de la différence. Mais à l’époque, je faisais ces efforts de malade pour paraître normale, et c’était étouffant. C’est terrible, de ne pas pouvoir être soi-même, d’être toujours sur le qui-vive.

Un jour, après m’être fait larguée par mon copain, en discutant avec une amie, je ne sais même plus de quoi on parlait, mais elle a prononcé cette phrase : « Tu vois, moi, je suis bisexuelle : en ce moment j’ai un copain, mais avant, j’avais une copine ». J’ai fait comme si je savais de quoi elle parlait car en vrai, c’était la première fois qu’on prononçait ce mot devant moi. Et à ce moment là, avec cette simple phrase, même si tous les problèmes liés à ma bisexualité n’étaient pas encore réglés, un poids immense est tombé de mes épaules. Je savais enfin qui j’étais. Je savais enfin que je n’étais pas seule. Je savais enfin que ce que je ressentais depuis mon plus jeune âge n’était ni anormal, ni dangereux. Enfin, parce qu’une seule personne avait partagé son expérience de vie avec moi, je savais que j’avais le droit d’exister, telle que j’étais.

En vrai, je ne suis pas quelqu’un qui transforme magiquement les gens en gays, lesbiennes, trans, genderfluids, asexuels, etc. En vrai, c’est parce que ce que je suis, mon expérience de vie, les mots que je mets sur la personne que je suis, tout ça a trouvé écho chez eux : iels ont eu la « révélation », la même que moi il y a 18 ans. Il n’y a pas d’âge pour découvrir qu’on a toujours refoulé quelque chose au fond de soi. Il y a juste besoin qu’on ne se sente pas seul. C’est pourquoi tant de mots existent, tant d’étiquettes existent pour tant de réalités différentes. Peut-être que cette chose que vous avez l’impression d’être le/la seul-e à ressentir n’est pas unique, peut-être qu’elle n’est pas honteuse, peut-être même qu’elle a un nom : lesbienne, gay, bi, transgenre, transsexuel, intersexe, asexuel-le, pansexuel-le, demisexuel-le, non binaire, genderfluid… ou simplement « un peut queer ». Peut-être même que vous avez un drapeau, et peut-être même que vous allez devoir vous battre pour vos droits, pour votre reconnaissance , et je ne vous promets pas que ça va être facile. Mais ça vaut tellement le coup de s’autoriser, dans cette vie, cette unique vie que nous vivons en ce moment, d’être nous-mêmes.

Voilà, j’ai partagé avec vous mon histoire, malgré le malaise que peut me causer le fait de dévoiler mon intimité comme ça, parce que je crois que dans le monde dans lequel nous vivons, c’est important de le faire quand on peut le faire. Pour que les gens qui ne cherchent pas à comprendre comprennent. Pour que les gens sachent qu’ils ne sont pas seuls. Pour que les enfants qui seront les adultes de demain ne doivent pas attendre d’arriver au lycée pour découvrir qui ils sont vraiment. Pour que les secrets, la honte, les tabous, les malaises, le harcèlement n’aient plus de prise sur nous.

Le travail est encore long et difficile, et les obstacles nombreux. Mais c’est tous ensemble, en étant proactifs, en prenant la parole, en brisant les tabous, qu’on arrivera à rendre le monde plus vivable pour les gens comme moi.

Pardon aux familles tout ça si je « transforme » certain-e-s d’entre vous en membres de la communauté LGBTQ+, mais vous inquiétez pas, vous serez TOUJOURS bienvenus dans la nôtre. En plus on a un drapeau cool.

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24 juin 2020

Défendre le statu quo parce qu'on a simplement peur du changement, c'est un peu con

J'ai été très sollicitée ces derniers temps pour parler d'un sujet sur lequel les gens qui m'ont sollicitée savaient qu'ils ne seraient pas d'accord avec moi. Moi, en général, j'appelle ça "chercher la bagarre" et pour être honnête avec vous, ces derniers temps, je n'avais ni le moral ni la capacité physique de m'engager dans un "fight" avec des gens qui ne réfléchissent pas. Oui, hein, commençons comme ça, parce que je me suis suffisamment faite insulter sur une position que je n'avais pas (encore) prise, rappelons qu'avant toute prise de position sur un sujet, il est de bon ton d'y réfléchir. LOOONGUEMENT.

La conduite du changement

Les gens détestent le changement. Bon sang ce que mon quotidien, ce que le quotidien de milliers de gens sur cette planète est alourdi par le nombre de gens qui résistent au changement ! C'est probablement la caractéristique la plus partagée par tous les êtres humains sur cette Terre. Dans mon domaine, on a carrément des noms de postes, des métiers qui existent afin de lutter contre la volonté inexorable de chacun de ne vouloir surtout rien changer. On appelle ça "conduite du changement", "accompagnement au changement", etc. Des fois, ça prend plus de temps d'arriver à convaincre 15 personnes qu'avec un logiciel où on clique à droite ça changera rien d'un logiciel où on clique à gauche... que de faire travailler 15 développeurs sur la création d'un nouveau logiciel plus rapide, plus pratique mais OH LA LA avec un bouton à droite ! Je vous promets que ça, c'est à peine caricaturer mon quotidien.

Bah la conduite du changement, c'est un domaine d'expertise qui serait bien utile à pas mal de gens quand on s'attaque à la justice sociale. Comment changer notre quotidien pour que les femmes ne subissent plus des injustices par rapport aux hommes. Comment changer notre quotidien pour que les membres de la communauté LGBTQ+ ne soient plus invisibilisés ou maltraités. Comment changer notre quotidien pour que les personnes racisées se sentent elles aussi chez elles dans notre pays. Bref, tout un tas de petits changements qui en réalité, n'auraient pratiquement pas d'impact pour la majorité des gens. Voire pas d'impact DU TOUT, en fait.

La conduite du changement1

La LGBTphobie : la peur irrationnelle du changement

Comme le dit, un peu vulgairement, le dicton "chacun fait ce qu'il veut de son cul", n'est-ce pas ? Mais alors comment expliquer que malgré cette sagesse populaire, des MILLIERS de français se soient rués dans les grandes avenues parisiennes en criant au scandale parce qu'on voulait autoriser le mariage pour les couples de même sexe ? Depuis sa promulgation, cette loi a réellement changé la vie de moins de 10% de la population. Pour les 90% restant ça n'a absolument RIEN CHANGE. Ces 90% restants n'ont pas perdu de droit, n'ont pas été forcés à faire quoi que ce soit, n'ont pas été délestés de quoi que ce soit. Mais pourtant, ils sont quand même venus gueuler sous nos fenêtres que nous n'avions pas le droit au changement. Et si vraiment, le pire que ça a apporté dans leur vie c'est de voir des couples de même sexe s'embrasser sur le perron de la mairie, franchement, il faut vraiment revoir leurs priorités. (oh et me parlez surtout pas des "pauvres enfants qui ont pas UN PAPA UNE MAMAN" parce que là sinon je sors les poings : n'utilisez pas les enfants des autres comme excuses branlantes de votre couardise !)

Bref, on est tous d'accord pour dire "qu'il faut quand même pas tous les tuer" hein, on n'est pas des monstres, mais si de préférence on pouvait rester dans une société où on n'a pas à "les" voir, ce serait mieux... (faudrait me voir rouler des yeux, là)

Le sexisme : une peur viscérale du changement

La conduite du changement, ça serait aussi bien utiles aux mecs qui nous bassinent avec leur "mais on n'est pas tous comme ça, moi je suis un gentil garçon" mais qui systématiquement ou presque tournent le dos aux corvées ménagères et parentales. Alors là oui, je veux bien : le changement a un impact. OK c'est vrai, c'est pas super fun de perdre certains privilèges... Mais il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas uniquement un impact négatif, car on sait bien que le sexisme est aussi très compliqué à vivre pour les hommes (les garçons ça ne pleure pas, ça ne fait pas de danse, ça ne porte pas de short au travail, etc.). Et qu'au final si on devait, je sais pas moi, allonger la durée du "congé paternité" (sujet d'actualité) bah on se doute bien que ce serait pas pour donner du temps en plus à ces messieurs pour aller boire des bières, mais bien pour créer des liens avec les enfants tout en égalisant l'ardoise avec mesdames. Bref. Je suis sûre que le gamin de la famille Dinosaure serait moins vindicatif envers son père si ce dernier avait pu passer ses trois mois de congé paternité avec lui.

Illustration de la violence du sexisme envers les hommes :

Bon, vous avez suivi jusqu'ici, je vous en félicite, et j'espère que la vidéo vous aura fait marrer (si vous n'êtes pas anglophones, en gros : le bébé dinosaure appelle son père "pas-la-maman" et ça rend leurs relations un peu houleuses).

Retournons à nos moutons, je ne vous ai toujours pas dévoilé de quel sujet les gens voulaient tellement que je parle. Allez, je vous laisse chercher un peu. Mais si c'est évident, ça fait les choux blancs de la presse et ça excite notre extrême-droite franco-française tellement qu'ils sont sortis de leur léthargie post-confinement. Même que j'aurais voulu faire un jeu de mot pourri dans le titre de cet article, mais en fait, je me suis retenue pour vous garder la surprise intacte. Allez, vous le savez....

Le "statue" quo des grands racistes de notre histoire

(j'espère que vous apprécierez au moins le jeu de mot)

LES STATUES RACISTES. Mais c'est bien sûr. Les fameuses statues qui sont "vandalisées", "déboulonnées", le massacre des statues, la décimation de notre histoire, bref : une bonne raison pour les racistes de venir crier au loup, parce que, vous rendez-vous compte, ils n'étaient pas le centre de l'attention au mois de juin, ces pauvres petits choux.

Ok bon, là, vous sentez quand même une prise de position, hein ? Tenez bon, c'est bientôt fini. Enfin, il reste encore une bonne moitié d'article, quoi.

Bon. Revenons en arrière. Je découvre, pour la première fois, que des gens aux Etats-Unis veulent que des statues érigées dans des lieux publics soient retirées car ils considèrent qu'elles sont offensives, étant donné qu'elles mettent en valeur des gens qui défendaient l'esclavagisme. Là comme ça, bon, je ne me sens pas trop concernée : je ne suis pas à leur place, je ne suis pas descendante d'esclaves (enfin pas à ma connaissance en tout cas), je ne peux qu'avoir de l'empathie pour le malaise qu'ils ressentent en passant devant des statues qui glorifient les bourreaux de leurs ancêtres. Et puis, des voix se lèvent : "oh la la, quelle honte, ils vont effacer l'Histoire". Bon là forcément, je me sens interpellée : je ne me suis pas tapé une licence d'Histoire pour ne pas me sentir concernée quand des gens invoquent "l'Histoire avec un grand H". Et puis très vite, quand je vois les arguments (aucun, en fait), je déchante. En vrai, tout le monde s'en fout de l'histoire. Ce que les gens veulent, c'est le statu quo. Le statu quo c'est rassurant, on sait ce qu'on a, et on est contents comme ça, merci beaucoup.

Soudain, tout le monde devient historien

Les gens se découvrent donc soudainement une passion pour des vieux mecs dont l'histoire ne les a jamais passionnés, qu'ils ne connaissent que de nom voire de loin parce qu'ils passent de temps en temps devant ces statues. Ces statues, pour la plupart, ne sont des héros pour pratiquement personne de nos jours, et ne sont là que parce que jusqu'ici personne ne s'était légitimement interrogé sur la pertinence de leur existence dans notre paysage urbain moderne. Et quand les gens lèvent leurs boucliers en s'exclamant "oh la la c'est n'importe quoi, ils peuvent pas laisser ces statues tranquilles", à aucun moment il ne leur vient à l'esprit qu'en disant ça, ils prouvent qu'ils ont plus de considération pour un objet matériel symbolique que pour les sentiments de personnes bien réelles.

A aucun moment il ne semble leur venir à l'esprit que si les milliers de générations qui nous ont précédées avaient, chaque fois qu'on a voulu enlever une statue par-ci, changer un bâtiment par-là, empêché que ça arrive, la majorité des villes n'auraient probablement plus de places pour leurs habitants ! Les villes changent. Les paysages changent. On gardera toujours des morceaux d'histoire et il nous restera toujours l'Histoire, celle avec un grand H, que les statues et les monuments nous aident parfois à comprendre mais qui ne sont pas l'Histoire à proprement parler. Aussi passionnée que je sois de monuments préhistoriques et d'architecture médiévale, je peux vous assurer que je suis extrêmement soulagée de savoir que dans la majorité des villes, il y a de vrais trottoirs qui ne sont pas pavés et qu'il n'y a pas des gros cailloux chelous posés hors contexte çà et là. Je vous raconte pas l'enfer que ça serait de s'y déplacer (que ce soit à pieds, en courant, en vélo ou en fauteuil roulant) !

Le contexte historique et l'Histoire

Je ne saurais que vous conseiller d'aller lire ce très intéressant article (pour les anglophones uniquement, ou alors pour les gens qui ont vraiment confiance en Google traduction) intitulé "Les statues ne sont pas notre histoire. Elles sont notre archéologie". La lecture de cet article a initié le mien parce que j'y ai trouvé une analyse assez similaire à la mienne, et que c'est, à mes yeux, pertinent. Les statues qui existent aujourd'hui sur notre territoire sont l'héritage qu'on va laisser aux historiens du futur. Et c'est sûr que quand ils verrons toutes ces statues de vieux mecs blancs, bah ils se diront (comme on se dit aujourd'hui des Romains par exemple) : leur monde tournait autour des hommes blancs principalement. Ce qui est pas tout à fait faux, mais personnellement, j'ai pas très envie de laisser cette image de nous.

Je suis une historienne dans l'âme, et de ce fait, quelqu'un qui demande TOUJOURS du contexte. Le contexte, c'est ce qu'il y a de plus important. Un musée ou une expo qui montre des oeuvres mais ne les remet pas en contexte est un mauvais musée, ou une mauvaise expo, parce qu'on n'y a pas appris grand chose et parce qu'on n'aura pas non plus tout compris si on ne connaît pas déjà les codes, bref, le contexte. Je suis également fermement contre la censure. Je veux dire par là que de décider de réécrire, supprimer ou interdire une oeuvre pourtant qualitative sous prétexte qu'elle reflète des moeurs qui ne sont pas de notre époque, je pense que c'est complètement con. J'ai bien précisé : pourtant qualitative. Les oeuvres de qualité médiocre, qui n'ont pas marqué l'histoire et qui n'ont pas vraiment d'intérêt, en général, elles périclitent d'elles-mêmes et tombent dans l'oubli, et franchement, ce n'est souvent pas plus mal.

La majeure partie du temps, quand une oeuvre devient trop en contradiction avec nos moeurs, on peut avoir tendance à censurer ou à supprimer. Je pense au contraire que le bon moyen de découvrir et partager ces oeuvres, c'est dans leur forme d'origine, MAIS pas sans une notice explicative. Republier Tintin au Congo oui bien sûr, mais dans une édition préfacée, annotée, explicative. Je fais par exemple partie de ces gens qui jugent nécessaire de faire lire une version annotée, expliquée du Mein Kampf d'Hitler parce qu'il est nécessaire à mes yeux, pour éviter que ce type de discours ne trouvent une nouvelle audience aujourd'hui - et pour avoir eu des cours portant sur ce texte, je peux vous assurer qu'il est capital qu'on éduque les gens à son propos, car ses théories et ses logiques sont encore très utilisées de nos jours.

Bref, il faut apprendre à différencier le contexte historique et l'histoire elle-même. Bizarrement, si une statue d'Hitler était restée à Paris après l'occupation allemande, je suis à peu près sûre qu'elle se serait faite déboulonnée aussi, parce qu'on n'a pas besoin de ça pour se rappeler de l'histoire et de qui était ce mec.

Tout sauf l'indifférence

Je vous laisse en compagnie de monsieur Karfa Diallo, qui explique mieux que moi pourquoi il est important de remettre en contexte des éléments urbains qui n'en ont pas. Ajouter une plaque explicative, renommer, déplacer dans un musée ou simplement supprimer : peu importe comment, il est important qu'on ne reste pas au statu quo.

Pfiou, vous avez tenus jusque là ? Bah franchement bravo. J'ai presque plus de cuillères à dépenser aujourd'hui, alors malheureusement, je vais zapper quelques arguments et quelques exemples (je ne crois pas aux généralisations, mais je crois que les exemples nous aident à comprendre), mais bon, c'est presque fini, quoi.


Revenons à nos statues

Je ne dis pas "allez, on pète tout et on va mettre une statue de Beyonce devant le Parlement", hein (quoi que ça serait vraiment tentant en vrai, genre Beyonce avec la pose "put a ring on it" ça ferait probablement doubler l'affluence de tourisme à Paris, non ? Pardon, je divague). Mais il est important de ne pas laisser l'habitude prendre le pas sur la réflexion - et la remise en contexte.

Je comprends tout à fait que les gens qui viennent de villes dont le patrimoine a été partiellement détruit pendant les deux dernières guerres mondiales soient plus réticents que la moyenne à supprimer des oeuvres du patrimoine urbain, parce que oui, c'est sûr, quand on voit des lieux qui ont une importance capitale disparaître, c'est dur de savoir ce qu'on peut se permettre d'abandonner.

Mais dites-vous aussi que ce qui fait la ville, c'est sa continuelle adaptation, son continuel besoin de changement. D'une année à l'autre, ce ne seront pas les mêmes boutiques, les mêmes plantes, les mêmes oeuvres. Je vois souvent les gens dire "oui mais après ils vont vouloir retirer la Tour Eiffel" et je tiens à vous rappeler que la Tour Eiffel était à l'origine une construction éphémère, qui aurait dû disparaître avec le reste des bâtiments construits pour l'Exposition universelle. Donc ouais, c'est chouette qu'on la garde parce qu'elle est cool et qu'elle rapporte des thunes, mais en vrai même elle, c'était pas garanti qu'elle fasse partie ad vitam aeternam du paysage parisien. Alors je vous comprends les gens, mais en même temps ça ne vous empêche pas non plus de faire preuve de recul.

La statue de Colbert

Bon attendez, je termine sur un exemple parce que bon, voilà, j'ai envie. Tenez, le dernier scandale en date concerne une statue de Colbert. Ok je vais prendre cet exemple parce qu'il est extrêmement parlant. Quelqu'un a tagué "négrophobie d'état" sur une statue de Colbert située devant l'Assemblée nationale. Bon le vandalisme, c'est pas cool, en plus c'est même pas un joli tag mais, les réactions immédiates ont été de l'ordre du "oh la la vous allez pas venir nous faire chier avec Colbert quand même / vous voulez détruire l'histoire / etc".

On va jouer à un petit jeu. Sans aller vérifier dans un livre ou sur Google, dites, là maintenant tout de suite, à haute voix, tout ce que vous savez sur Colbert et sur cette statue. Franchement, si ça dépasse "Euh j'ai appris au collège que Colbert c'était le ministre des finances de Louis XIV", c'est pas mal. Est-ce que vous savez POURQUOI cette statue a été taguée ? "Parce que les noirs sont des cons qui veulent voler notre pays et remplacer tous les blancs" N'EST PAS LA BONNE RÉPONSE, ÉTONNAMMENT.

Donc, j'ai suivi un cursus scolaire classique primaire/collège/lycée, j'ai fait une licence d'histoire et vous savez quoi ? Bah je ne savais pas ce que c'était que le Code Noir et quel rôle Colbert avait joué dans sa mise en place. Parce que bizarrement, personne n'avait jusqu'ici jugé assez pertinent de m'expliquer qu'un document juridique avait été conçu afin de justifier la mise en esclavage des noirs et des métis dans les régions d'outre-mer. Je vous laisse vous renseigner, Wikipédia est là pour vous donner plein de sources à ce sujet. En tout cas, le tag lui, m'aura appris quelque chose aujourd'hui.

La fameuse statue de Colbert... qui est une copie

Alors vous avez pas de bol, parce que j'ai aussi eu une vraie passion pour l'histoire de l'art. Mon truc c'est plutôt l'art moderne, mais bon, une de mes premières réactions a été de chercher ce que je considérais comme un argument sensé, c'est à dire "quoi, on va faire disparaître l'oeuvre d'un artiste de renom ?!?". Pour le coup celle-la les fachos, je vous l'offre, elle est CADEAU : vu que vous manquiez d'arguments, je vous en offre un. Un que je trouve hyper légitime, en plus ! Une sculpture d'une grande qualité, d'un artiste exceptionnel, une sculpture avec des drapés à tomber, des visages sublimes, une parfaite capture du mouvement, ce serait pratiquement un sacrilège d'y toucher. Et j'espère bien qu'on saura conserver les oeuvres majeures en question à leur place, dans un musée.

Source: Externe

Mais du coup comme j'ai cherché cet argument, j'ai aussi cherché à comprendre : peut-être que cette statue de Colbert, un vieux mec qui a pas marqué tout le monde (ou du moins, dont on se souvient pour des morceaux choisis de sa carrière), a-t-elle été réalisée par un grand maitre ?  Déception, les gens. Cette sculpture est l'oeuvre d'un Jacques-Edme Dumont (vous connaissez ? moi jamais entendu parler avant aujourd'hui), et d'ailleurs l'original est exposé à Reims. Euh attend. L'original ? Les gens sont en train de s'exciter parce que quelqu'un à tagué une copie d'une sculpture quelconque d'un ancien ministre d'il y a plusieurs siècle ? Bah ouais. Je vous avais bien dit hein, que les gens qui s'énervent sans réfléchir, c'est pas bien beau.

L'impact de la remise en cause de cette statue particulièrement, comme de la majorité des autres, ne va pas vous toucher. Dans 15 jours vous ne vous souviendrez même plus qu'elle existe. Si elle est retirée du paysage urbain, elle ne vous manquera pas, parce qu'elle ne vous a rien enseigné, parce qu'elle n'est même pas remarquable, parce qu'en vrai, à part peut-être si Colbert est un de vos ancêtres, cette statue, vous vous en foutez. Soyez honnêtes. Vous n'en avez rien à foutre de cette statue. Ce qui compte pour vous, c'est le statu quo.

 

Donc voilà. Je pense que j'ai rien d'autre à ajouter. Enfin si. Mettez vos sentiments de côté, arrêtez de vous raccrocher au passé, renseignez-vous, et réfléchissez. Ensuite, quand vos aurez toutes les cartes en main et que vous aurez des choses à dire, on pourra peut-être construire un dialogue intelligent.

11 juin 2020

Les femmes trans sont des femmes, n'en déplaise à J.K. Rowling

Aujourd'hui, je m'étais dit que j'allais prendre une journée "off" et me reposer parce que la semaine passée a été éprouvante (et même si je suis moins vocale, je continue à faire mes devoirs, me renseigner, lire, apprendre pour toujours devenir une meilleure alliée). J'ai été peinée d'apprendre que beaucoup de gens de ma connaissance n'ont pas compris où était le problème dans les propos de JK Rowling tenus ces derniers jours et pour l'instant, je n'ai pas la force de recommencer toute l'argumentation (qui me parait pourtant si évidente) d'autant plus que je crois que Daniel Radcliffe a poliment résumé la situation : https://www.thetrevorproject.org/2020/06/08/daniel-radcliffe-responds-to-j-k-rowlings-tweets-on-gender-identity
Si vous ne savez pas de quoi je parle, Google est votre ami :)
Par contre, je pense que c'est important de ne pas laisser tout cela être un débat sur "est-ce que J.K. Rowling est une bonne personne ou non ?" (surtout que si vous me connaissez bien, vous savez que j'ai jamais vraiment pu la saquer donc forcément j'ai des biais XD) ou, pire : "est-ce que les femmes trans sont des femmes ?".
Il n'y a pas de débat concernant la question "est-ce que les femmes trans sont des femmes ?". Il n'y a PAS DE DEBAT. Si vous pensez, si vous avez une opinion personnelle, qui consiste à considérer qu'il y a un débat, c'est que vous n'admettez pas que les femmes trans sont des femmes (et les hommes trans sont des hommes, et les personnes trans non binaires sont non binaires) et ça a un nom, c'est de la transphobie. POINT. Aucun d'entre vous n'a l'autorité pour EXIGER qu'une tierce personne vous montre son appareil génital, des chromosomes ou n'importe quel élément "biologique" que vous associez habituellement avec l'identité féminine ou masculine. Alors vous savez quoi ? Vous n'avez pas votre mot à dire sur ce qu'est le genre d'une personne, il n'y a que cette personne qui peut vous informer à ce sujet. Contentez-vous de la croire.
 
Je sais que beaucoup de personnes qu'on identifie comme TERF (trans-exclusionary radical feminist = féministes radicales qui excluent les trans) ne pensent pas à mal et se basent sur le fait que selon elles, les expériences de vie des femmes trans n'équivalent pas les expériences de vie des femmes cis. Ce qui n'est pas complètement faux. Mais de la même manière que l'expérience de vie d'une femme blanche n'est pas tout à fait la même que celle d'une femme noire, n'est-ce pas ? Les TERFS partent généralement du principe que les femmes trans ont bénéficié du privilège inhérent à leur identité masculine de naissance, et en cela, qu'elles participent à l'oppression des femmes. Je pense que le plus important là-dedans, c'est de revenir à la première phrase de ce paragraphe. =>"selon elles"<=. Je ne me permettrais JAMAIS de juger l'expérience d'une autre femme à partir de ma propre expérience. Je ne conçois pas qu'on puisse se permettre de juger l'expérience d'une femme trans sans s'être renseigné auprès de cette dernière.
Je vais vous donner un exemple, pour que ce soit plus clair. Moi, je m'identifie comme une femme, c'est le genre qui m'a été attribué à la naissance, il me convient. Je suis une femme, donc, mais je n'ai jamais eu de règles douloureuses, ni de syndrome prémenstruel, ni de sautes d'humeur, ni rien de tout ça. Pour moi, dans mon expérience de femme, les règles sont à peine importantes. Est-ce que ça veut dire que moi, ou n'importe quelle femme qui n'a pas de règles est donc "moins" une femme que les autres ? Et où est-ce qu'on place la limite ? A partir de quand peut-on décider qu'une femme est moins une femme qu'une autre ?
Je vais aller un peu plus loin, parce que fut un temps, avant que je m'éduque sur ces sujets, j'ai pensé comme ça. Je me suis dit "une femme qui a été un homme, elle est forcément partie avec des avantages que j'ai pas eu" (et maintenant que j'écris ça, je vois bien à quel point c'est con, parce que moi en tant que femme blanche dans un pays riche, je suis partie avec des avantages que d'autres femmes n'ont pas, et ainsi de suite). Bref. Je vais vous raconter une histoire.
Je suis très fan de musique de cinéma, j'ai une énorme playlist sur laquelle j'ajoute toutes les musiques de mes films cultes et que j'écoute souvent. Quand je me suis éveillée au féminisme, un jour, par curiosité, je suis allée voir les noms de tous les artistes ayant composé les musiques, pour découvrir quel pourcentage étaient des femmes. Là, le choc : sur 400 morceaux, seuls 3 morceaux, issus de 3 films différents, étaient composés par des femmes. Ou plutôt UNE femme : Wendy Carlos. Je suis allée sur la page Wikipédia de Wendy Carlos, et j'ai vu qu'elle était née sous le nom Walter Carlos. "Ah, me suis-je dit. Forcément. La seule femme compositrice de musique de films cultes, c'est un mec". Oui bon, je suis pas fière d'avoir pensé ça, hein. Mais ce dont je suis la moins fière, c'est d'avoir fermé la page là-dessus, persuadée que la présence des musiques de Wendy Carlos dans ma playlist étaient une autre preuve de l'absence de femmes dans le milieu.
Pourtant, j'adore le travail de Wendy Carlos, je la trouve absolument formidable, et ses musiques sont parmi les plus belles, les plus émouvantes et surtout, celles qui me parlent le plus, de toute la playlist. Alors j'ai eu la bonne idée de me renseigner. De découvrir (avec un peu de surprise, je ne vous le cache pas) que la partie de sa carrière que je connais le mieux date d'après sa transition, alors que j'aurais au contraire pensé que l'époque n'était pas prête à accueillir une femme trans dans le milieu fermé de la composition musicale. De découvrir son expérience de vie dans des articles ou des reportages, et qu'elle avait en réalité toujours vécu une expérience de vie qui n'était pas celle d'un homme. Libérée de mes préjugés, j'ai pu découvrir à quel point cette femme est formidable, brillante, créative et une véritable précurseuse dans son domaine. Elle n'a pas gagné cette place au sein des plus grands compositeurs parce qu'elle est née Walter ; elle l'a gagnée parce qu'elle avait énormément de talent, et qu'elle a eu la chance de pouvoir rencontrer les bonnes personnes aux bons moments (comme tous les gens célèbres, en fait). Et ce qui lui a permis de pouvoir continuer sa carrière après sa transition (je dirais presque "malgré sa transition" quand je vois les réactions des gens aujourd'hui), c'est probablement le fait qu'à cette époque, on préférait éviter poliment de discuter de ces sujets et les ignorer. Un conseil qu'on pourrait probablement donner à cette chère J.K. Rowling.

Wendy Carlos, compositrice

 
Alors je suis bien loin d'être une experte en ces sujets, attention. Je parle de mon point de vue de personne qui s'est un peu renseignée, qui a déjà appris de ses erreurs. Je continue à lire, à écouter, à apprendre et à découvrir de nouvelles choses au sujet du genre, des personnes transgenres et transsexuelles, et des personnes non binaires. Mais du coup oui, je pense que mon opinion à ce sujet a un petit peu plus d'importance que celle d'une femme mal éduquée qui prend contre elle le fait qu'on soutienne l'existence et la légitimité d'une femme trans.
8 juin 2020

Après une semaine à me renseigner et à agir pour Black Lives Matter

Mois des fiertés • juin 2020

 

Un petit dernier pour la route. J'ai appris énormément de choses cette semaine, en passant en moyenne entre 3 et 5h par jour à chercher des informations, lire des articles, lire des témoignages, écouter des conférences, bref, en m'informant sur la lutte anti-racisme sous toutes ses formes. Je vous invite à faire des recherches vous mêmes et à ne pas hésitez pas à partager vos trouvailles avec votre entourage.

Parmi les choses que j'ai apprises :

- On évite de dire "personnes de couleur" et on préfère "personnes racisées" parce que ça distingue les gens qui subissent du racisme, et non les gens "de couleur" par opposition à "sans couleur" (ce qui n'existe pas bien sûr)

- dans les banlieues, en France parfois mais souvent aux Etats-Unis, les jeunes apprennent à éviter de sortir en sweat à capuche, pour ne pas être pris pour les voyous. Oui. Au 21ème siècle on dit aux filles de ne pas porter de mini-jupe et aux noirs de ne pas porter de sweat à capuche pour ne pas se faire agresser.

- chaque fois qu'une histoire sordide comme celle qui est arrivée à Georges Floyd choque les gens et circule sur les réseaux sociaux, ce sont des milliers de personnes qui à longueur de journée se retrouvent à la fois confrontées à ces images, mais surtout imaginent le visage de leurs proches à la place de celui des victimes. Le tout en sachant que ce qui choque les blancs aujourd'hui sera oublié demain, et que toute cette souffrance sera "pour rien".

- les gens qui essaient de décorréler le problème des violences policières du racisme ont généralement des arguments qui commencent par "je suis pas raciste, mais" ou "vous allez me traiter de raciste mais" et si vous avez déjà suivi ce que j'ai posté plus bas, vous savez que c'est pas vraiment des arguments. Je comprends complètement le réflexe qu'on a tous pour se protéger qui consiste à essayer de se trouver des justifications plutôt que se remettre en cause, mais en fait, se remettre en cause c'est la condition principale avant de réussir à construire une argumentation saine.

- Je suis raciste. Même si je pensais ne pas l'être, j'ai des comportements racistes, une tendance à naturellement avoir plus confiance en des personnes à la peau claire qu'en des personnes à la peau foncée (j'ai passé des tests qui le prouvent et je n'ai fait que nier les résultats pendant deux jours) et surtout, je suis raciste chaque fois que mon silence permet à quelqu'un de s'en sortir malgré son propre racisme

- nous sommes tous responsables des évolutions de la société. C'est à nous de voter pour les bonnes personnes, de défier notre gouvernement et nos élus pour qu'ils fassent quelque chose en rapport avec nos valeurs.

- il y a plein d'associations qui ont besoin d'aide pour aider les gens à lutter contre le racisme. Tout le monde peut aider, avec du temps, de l'argent ou des idées. Je me suis inscrite pour soutenir SOS racisme en tant que militante et pour ne rien vous cacher j'ai un peu peur, parce que je ne sais pas si je vais être assez forte pour servir à quelque chose, et j'ai peur de me décevoir moi-même. Mais si j'essaie pas, je pourrais plus jamais me regarder dans le miroir.

La semaine a été difficile pour nombre d'entre nous, qui avons essayé d'écouter, d'apprendre et de se battre aux côtés des personnes racisées. C'est peut-être pas flagrant dans votre petite monde personnel, mais une révolution est en cours. C'est à la fois effrayant et merveilleux ! S'il vous plait, soyez du bon côté de l'histoire.

Et vous, qu'avez-vous appris depuis le début du mouvement Black Lives Matter ?

✊🏿✊🏾✊🏽✊🏼 La lutte continue !

4 juin 2020

Je suis complice (et je vous demande pardon)

Je suis complice

Pardon, je vais parler un peu de moi. Je fais ça une fois, et je me remets à relayer la parole des gens qu'on n'écoute pas, promis. Pour ceux que ça gave de m'entendre parler (de me lire, quoi), cette réflexion fait écho au texte de Virginie Despentes s'adressant à ses potes blancs qui ne comprennent pas la situation. Vous pouvez directement lire son texte : https://www.franceinter.fr/emissions/lettres-d-interieur/lettres-d-interieur-04-juin-2020
 
En ce moment il se passe quelque chose de grand, d'important, de capital et ce serait dommage que nous passions à côté. Ce qui est arrivé à Georges Floyd le 25 mai dernier est arrivé a beaucoup de gens, sauf que jusqu'ici, on avait entendu mais on se résignait. On restait neutres. On se disait "que la justice ferait son travail" tout en étant tout à fait conscients qu'en vrai, pas trop. Ce qu'on a eu sous les yeux depuis le 25 mai, c'est la preuve absolue et irréfutable que la justice n'est pas la même pour tous. Aux US, en France, partout en Occident.
 
Je vais vous dire, je me souviens précisément de ce que je me suis dit quand j'ai appris ce qui était arrivé à Adama Traoré le 19 juillet 2016, et que j'ai commencé à entendre les débats autour de son décès : je me suis dit que je ne connaissais pas les faits, que je ne pouvais pas juger et donc pas prendre partie. Et je me suis dit ça TELLEMENT DE FOIS, dans tellement de cas similaires, merde.
 
J'ai honte. J'ai honte parce que j'ai refusé de mettre cette affaire en relation avec ce que j'avais observé, ce qu'on m'avait dit, maintes fois répété. J'ai refusé de donner la première chose, la plus significative, la moins coûteuse de toutes : j'ai refusé de croire. J'ai refusé de croire que c'était possible. J'ai refusé de voir qu'on ne parlait pas que de violences policières. En y réfléchissant, je réalise que ma réaction a toujours été la même que celle des gens qui te disent "mais TOUTES les vies comptent".
 
Pardon, je vais continuer à parler de moi un peu. Ce n'est pas pour vous éclipser les amis, c'est plutôt pour faire de la pédagogie. Cette semaine (comme pour de nombreuses personnes partout dans le monde) m'a servi d'électrochoc. Je ne suis clairement plus la même personne que j'étais il y a dix jours et c'est tant mieux. Moi qui me croyait une bonne alliée parce que je me permettais d'envoyer bouler les gens qui tenaient des propos racistes, j'ai fait comme tout le monde, j'ai mis la tête dans le sable. C'est pas comme ça qu'on est un allié.
 
Je me suis assise dans un coin avec mes petits privilèges, et j'ai fait exactement ce que je reproche à la majorité des mecs autour de moi : j'ai tourné la tête et j'ai dit "Ouais enfin bon, ça va, on est en France, on a tous les mêmes droits, quoi". Les mêmes droits sur le papier et les mêmes droits dans la réalité on sait tous que c'est différent. On sait tous que c'est différent.
 
Quand j'étais petite fille, je rêvais d'avoir la même peau noire que ma copine Kadiatou. J'étais hyper jalouse. Je la trouvais tellement belle ! J'avais même demandé (je crois que c'était à ma mère ?) à un adulte si on pouvait faire comme Mickaël Jackson mais à l'envers. Je sais plus du tout ce qu'on m'a répondu mais l'idée m'est restée en tête pendant une grande partie de mon enfance. Aujourd'hui, une bonne fée viendrait me proposer de me transformer en noire, bon bah je vous cache pas, j'y réfléchirais à deux fois, parce que je sais que les conséquences ne seraient pas uniquement esthétiques. Je le sais, tu le sais, on le sait tous. On peut pas dire "Ah bon ? C'est quand même pas SI compliqué d'être noir en France, quand même ?" à moins d'avoir vécu dans une cave ces 30 dernières années.
 
Bref. Je suis inévitablement complice parce que j'ai gardé le silence. Ce qui n'arrivera plus. Passée cette semaine, je serais peut-être plus calme, moins prolifique (enfin la semaine prochaine, c'est toujours le mois des fiertés, alors vous attendez pas non plus au calme plat) mais je serais toujours là, et je me battrais avec toute ma force disponible.
 
Il n'y a pas besoin de beaucoup pour se battre. Tout le monde n'est pas obligé de montrer sa colère à tout bout de champ, il suffit juste de prendre conscience des choses et d'apprendre. Lire un article ou deux, aller voir des vidéos, lire des livres, signer des pétitions, il y a plein de petites choses que vous pouvez faire. Pas forcément toutes. Partager un lien, une image, quelque chose qui vous a marqué ou vous a fait réfléchir, ça compte aussi. Je sais que tout le monde n'a pas la force ou l'énergie pour se battre. C'est pas grave. Se dire à soi-même "je comprends pourquoi les gens se battent et ils ont raison" c'est presque rien pour l'instant, mais ça peut devenir beaucoup. On devient un terreau plus sain, et on pourra y planter de meilleures idées.
 
Je vous dis ça parce que je sais que nombre d'entre vous s'en veulent de ne pas pouvoir "faire plus" et de toute façon, j'ai la sensation que tant qu'on n'ira pas faire cramer l'Elysée / La Maison Blanche bah on pourra toujours faire plus, hein. J'ai fait un choix personnel de batailler AU MOINS pendant cette période capitale, parce que je crois que c'est de ma responsabilité d'utiliser ma plume pour ça.
 
Sans vous mentir - et surtout sans vouloir me faire plaindre - tout ça me fait souffrir atrocement. Ma condition médicale fait que tous les stress, toutes les émotions fortes me provoquent des crises de douleur. Depuis que j'ai vu la vidéo de l'assassinat de Georges Floyd, j'ai enchainé crises de larmes et crises de douleur. La colère, la tristesse, l'énervement, tout ça c'est pas bon pour ce que j'ai. Et je sais très bien que dans ce genre de circonstances, le bon choix aurait été comme je le fais depuis un an, de rentrer ma tête dans les épaules, de me détacher de tout ça et de me ménager. J'ai pratiquement pas écouté un mot de Macron en un an ; c'était une question de survie. J'ai failli le faire à nouveau, le coup de la tortue. Et puis j'ai réalisé que cette souffrance, physique ou morale, finalement, je pouvais bien me la permettre, pour une fois. Je me place PAS DU TOUT en martyr. Je dis pas que je mérite de souffrir ou quoi que ce soit. Je dis juste que je peux me permettre de souffrir un peu, quand je sais que d'autres subissent des violences, des agressions, des micro-agressions permanentes et que eux n'ont pas le luxe de se dire "bon, je vais couper les réseaux sociaux et méditer pendant quelques jours et après ça ira mieux".
 
Juste voilà, essayez. Essayez d'arrêter de relativiser sur ces sujets-là. N'arrêtez pas d'être rationnels, surtout. Il y a des sujets qui méritent le respect de l'honnêteté intellectuelle. Et dans le cas qui nous concerne, admettre qu'il y a un problème dans notre système, qu'il y a du racisme à tous les niveaux de la société, et qu'il faut qu'on change ça, ça me semble pas la mer à boire.

S'il vous plait, j'ai une demande. Ne partagez pas cette image si c'est juste pour vous faire plaindre; pauvres petits choux si fragiles. A la rigueur partagez mon texte avec si vous y tenez. Mais s'il vous plait, c'est pas le moment de ramener ça à vous (même si clairement, c'est ce que je viens de faire là).
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